Les procureurs dénoncent des « obstacles majeurs » à la conduite des enquêtes


Le dialogue des juges sur la conservation et la saisie des données téléphoniques en matière d’enquête pénale se poursuit. Mercredi 13 juillet, la chambre criminelle de la Cour de cassation a rendu quatre arrêts tirant les conséquences des décisions rendues ces dernières années par la Cour de justice de l’Union européenne. Celle-ci avait jugé contraire au droit de l’Union européenne (UE) la conservation généralisée et indifférenciée des données de connexion (liste des appels entrants et sortants d’un téléphone, géolocalisation, adresses IP, liste des sites Internet consultés, etc.) opérée pour les besoins des services de renseignement et les enquêtes judiciaires.

Sans remettre en cause la conservation des données, la Cour de cassation précise qui est légitime à les demander en matière de « criminalité grave » et qui ne l’est pas. « L’accès aux données conservées doit, en tout état de cause, être autorisé par une juridiction ou une entité administrative indépendante », dit-elle, ajoutant que « la loi française en ce qu’elle permet au procureur de la République, ou à un enquêteur, d’accéder aux données est contraire au droit de l’Union car elle ne prévoit pas un contrôle préalable par une juridiction ou une entité administrative indépendante. »

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Dans un communiqué publié vendredi, la Conférence nationale des procureurs a déploré que ces arrêts créent une « insécurité juridique majeure à laquelle doit faire face la lutte contre toutes les formes de délinquance » et autant « d’obstacles majeurs à l’identification des délinquants et des criminels ». Elle compare le procureur « au médecin à qui l’on demande de lutter contre des maladies de plus en plus sophistiquées et dangereuses, et qui ne peut plus utiliser de scanner pour les diagnostiquer et les traiter ».

Une réaction quelque peu exagérée, estime-t-on dans les couloirs de la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) où l’on tient à souligner que les procureurs pourront toujours utiliser les données téléphoniques pour leurs enquêtes mais de façon plus encadrée.

« L’enjeu, ce n’est pas le rôle du parquet. Cela va bien au-delà. L’enjeu, c’est la lutte contre la délinquance. Est-ce qu’un ex-mari qui harcèle son ex-compagne c’est de la criminalité grave ? Qu’est-ce que la criminalité grave ? », s’interroge Jean-Baptiste Bladier, procureur de Senlis et président de la Conférence nationale des procureurs. « Dans mon ressort, plus de la moitié des dossiers reposent sur les données téléphoniques. Un vol, un cambriolage, ça commence par les investigations sur les antennes relais par exemple, poursuit-il. Le système judiciaire français est à des années-lumière d’être configuré pour appliquer ce que demande la Cour de cassation. Ce sera des dizaines, des centaines de réquisitions à faire auprès du juge des libertés et de la détention. »

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